AGIR (A) : Pouvez-vous nous expliquer, en quelques mots, ce que c’est que de la publicité sociétale et humanitaire?
RICHARD LECLERC (R.L.) : Les
publicités sociétales sont produites
par les gouvernements, qui réalisent des campagnes pour faire de la prévention contre le décrochage scolaire, contre
l'alcool au volant ou contre l'alimentation malsaine par exemple. Les publicités humanitaires,
quant à elles, sont produites par des
organisations comme Oxfam, Amnistie, la Croix Rouge, etc. Dans le milieu de la
publicité, elles sont reconnues comme des productions bénévoles.
A :
Qu’est-ce qui distingue cette manière de faire du marketing?
R.L. : Quand
on fait de la pub sociétale et humanitaire il faut, plus que tout, comprendre
la mission, la sensibilité de l'organisme dont on fait la promotion. On mise
sur le capital humain des organisations; c'est l'humanité chez les gens qu'on
essaie de venir toucher. On ne veut pas vendre de produits! On humanise le
monde de la publicité: on veut sauver des enfants, venir en aide à des aidants
naturels, sensibiliser à l'alcool au volant, etc. C'est excessivement
stimulant!
A : Et c’est efficace?
R.L. : Il est reconnu
que ce type de publicité est extrêmement efficace. Le moment de l'année où une publicité contre la fatigue au volant sort, il est sûr et certain qu'il
y aura moins de décès liés à cette cause! La relation est directe. Un million de dollars pour
une pub? Oui, ça peut paraître beaucoup. Pourtant, si cette pub-là peut sauver
ne serait-ce qu'un jeune de 18 ans, qui n'y laissera pas sa peau ou qui ne
deviendra pas paraplégique, je crois que tout le monde est gagnant.
On ne peut pas avoir de chiffres précis;
on ne peut pas savoir combien de vies on va sauver exactement. Mais on peut
être certain qu'on gagne tout à en faire, et donc qu'on devrait en faire plus!
Il y a toutefois, aujourd'hui, une surstimulation
publicitaire pour les causes. Combien d'appels reçoit-on par année?! Dans la
rue, par courriel, sur les panneaux publicitaires, à la radio, à la télévision,
dans les journaux, etc. En découle une espèce d'impuissance, ou peut-être même
d'indifférence des auditeurs par rapport à ce type de messages. À partir de ce
moment-là, puisqu’on a tous des moyens limités, puisqu'on ne veut pas forcément
faire le choix de donner à tel ou tel organisme, souvent, on devient plus
réceptifs au «marketing de la cause» des entreprises privées, qui offrent un «retour
sur l’investissement» au donateur. C’est la loi du "what's in it for
me"; on peut citer le grand MacDon, de MacDonald’s; il ne peut pas y avoir
de meilleure raison de se payer un burger que de faire un don à un hôpital pour
enfants!
A : Effectivement, les entreprises
privées embarquent sans hésiter dans le bateau, et elles sont de plus en plus
nombreuses à parrainer des causes. Selon vous, est-ce que c’est souhaitable? Le
danger de capitalisation des causes sociales au profit des
intérêts des entreprises est-il trop grand?
R.L. : L'exemple de Benetton est très parlant à ce propos. Quand ils ont fait leurs campagnes contre le VIH dans les années 1990, ils ont investi plus de capitaux que toutes les associations à but non-lucratif qui s'attaquaient au même enjeu réunies. J'ai plutôt tendance à être en accord avec les idées d’Oliviero Toscani, le photographe principal de Benetton: ils ont pu donner une plus grande visibilité à la cause, avec plus de moyens. Donc au final, les entreprises oui, peuvent être critiquées d'instrumentaliser les causes pour gonfler leurs ventes. Mais si les gouvernements mettent moins de capitaux dans ce type de communications et que les marques acceptent de le faire, ça demeure un excellent véhicule de sensibilisation sociale!
La «valeur
partagée» est un nouveau concept lancé il y a quelques années aux États-Unis. C’est une façon de lier
plus profondément les valeurs mêmes de l’entreprise aux causes, à la mission
sociale qu’elle décide d’adopter. Prenons Ikea par exemple; leur expertise,
c'est la construction d'espaces de vie. Devant la crise des réfugiés, ils ont
conçu un abri adapté aux conditions des camps de
réfugiés, qu'ils vendent au prix coûtant aux organismes qui gèrent les camps.
Ils mettent socialement à profit leurs compétences, ils ne perdent pas
d'argent, et embellissent leur image. C’est du gagnant-gagnant!
A : C’est dire à quel point c’est un défi imposant pour des organismes à
vocation sociale et humanitaire comme Amnistie de se renouveler constamment sur
le plan du marketing, pour continuer de
sensibiliser les gens aux enjeux liés aux droits humains!
R.L. : Effectivement, dans mon monde idéal, il n'y aurait plus besoin de faire de la publicité pour mettre au jour ce genre de causes! Toutefois, je n'ai pas l'impression que des organisations comme Amnistie sont près de fermer leurs portes... Les injustices sont de plus en plus flagrantes. Pour que des productions industrielles soient plus rentables, on va, par exemple, accepter de faire travailler des enfants dans des conditions misérables. On va continuer de dénoncer ces situations, mais on est loin d'un succès complet et immédiat! Ce qu'on cherche en publicité, ce sont des changements de comportements. Ceci dit, ça ne vient pas tout de suite, et il ne faut surtout pas arrêter!
A : Vous avez quitté le monde de la publicité commerciale pour le créneau sociétal et humanitaire, dans lequel vous investissez corps et âme comme professeur, travailleur et concepteur-réalisateur de votre propre organisme à but non lucratif, Publici-Terre. Un vrai hyperactif passionné! Qu’est-ce qui vous motive, quelle philosophie tentez-vous de transmettre?
R.L. : J'ai quitté le monde de la publicité commerciale parce qu'on m'y faisait promouvoir des choses auxquelles je ne croyais pas. C'est bien plus valorisant d'être dans ce domaine-là pour sauver des vies que pour vendre de la camelote. Moi, mon choix est fait: je préfère travailler à contrer le diabète qu’à vendre du Coke! En entreprise, dans une organisation humanitaire ou en publicité, je crois que ce qui est primordial, c’est de croire en ce qu’on fait. Ce n'est pas un défi pour moi de garder foi en les causes que je défends, de rester créatif, puisque j’y crois! Je ne suis pas à plaindre, je ne me pose même pas de questions. Autant que je peux, je vais continuer!
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R.L. : J'ai quitté le monde de la publicité commerciale parce qu'on m'y faisait promouvoir des choses auxquelles je ne croyais pas. C'est bien plus valorisant d'être dans ce domaine-là pour sauver des vies que pour vendre de la camelote. Moi, mon choix est fait: je préfère travailler à contrer le diabète qu’à vendre du Coke! En entreprise, dans une organisation humanitaire ou en publicité, je crois que ce qui est primordial, c’est de croire en ce qu’on fait. Ce n'est pas un défi pour moi de garder foi en les causes que je défends, de rester créatif, puisque j’y crois! Je ne suis pas à plaindre, je ne me pose même pas de questions. Autant que je peux, je vais continuer!
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